Al-Ahram Hebdo,Nulle part ailleurs | Jusqu'au bout du sacrifice
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Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 21 au 27 janvier 2009, numéro 750

 

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Nulle part ailleurs

Gaza. Face aux massacres israéliens qui ont fait de ce territoire un enfer, des médecins égyptiens et arabes ont décidé d’agir : aller sur le champ de bataille dans une mission humanitaire risquée. Reportage avec un groupe des médecins fedayins.

Jusqu'au bout du sacrifice

Gaza soumise au feu. Les informations et les images, retransmises par les médias, suscitent l’horreur et l’épouvante avec tous ces morts et blessés palestiniens. L’Egypte et l’ensemble du monde arabe expriment leur colère et l’opinion publique et la société civile réagissent. Les médecins, les premiers qui se sentent les plus concernés. Nombre d’entre eux ont décidé de passer à l’acte. « J’ai imaginé mon enfant à la place d’un petit, dont le sang coule ou la peau est brûlée dans l’enfer de Gaza », dit le Dr Atef Al-Hadidi.

La décision est prise et l’action est menée à travers l’ordre et l’union des Médecins arabes. Des centaines de médecins ont rempli des applications pour rejoindre le corps médical opérant à Gaza, incapable de faire face au nombre croissant de blessés. Des volontaires qui ont été déçus, au départ, par une interdiction de la part des autorités, mais qui n’a pas beaucoup duré. Il leur a été enfin permis de passer vers le champ de bataille, mais à leur responsabilité.

Lundi ... Jour J. Dès que le soleil commence à se lever, la scène devant le siège de l’ordre des Médecins, à la rue Qasr Al-Aïni, est pleine d’émotion. Une trentaine de médecins de différentes spécialités, soins intensifs, médecine d’urgence, chirurgie, pédiatrie, ostéologie, urologie et oto-rhino-laryngologie et de différents âges sont là. Ils portent leurs bagages et se préparent pour un voyage vers Gaza, laissant derrière eux leurs familles, enfants, leurs cliniques et hôpitaux pour aller sur un territoire où les combats font rage partout et où les massacres n’excluent personne, même les ambulanciers. Cependant, les médecins, avec à leur tête le Dr Mohamad Ghoneim, spécialiste en urologie bien connu, semblent bien décidés, ils ont le sang-froid comme des combattants dans une mission de guerre. Et c’en est bien une. Et le danger de perdre la vie ? Ils envisagent cet aspect avec une sorte de détermination et de fatalisme.

S’en remettre à Dieu

 « Personne ne sait sur quelle terre il va mourir, et dans quelles conditions : dans un accident d’avion ou de voiture, sur la route Le Caire-Alexandrie ou même dans son lit. Etre au service des blessés de Gaza est la moindre des aides », dit Ghoneim, dont la présence comme une figure bien connue est un bon exemple et un moyen d’encouragement pour les autres médecins, qui essayent de surpasser des sentiments humains de crainte et d’inquiétude. « La mort est un fait auquel on n’échappe pas, mais c’est de la honte de mourir lâche », dit le Dr Rached Al-Sadeq, en ajoutant que les affreux et horribles massacres que font les Israéliens ont réveillé les citoyens arabes. Mohamad Saïd, jeune médecin en colère du village Al-Chohadaa (les martyrs), au gouvernorat d’Al-Ménoufiya. Il crie en pensant aux crimes de guerre sur le territoire de Gaza : « Ce qui se passe sur la bande de Gaza contredit toute raison ou tout sens humain. Sous quelle logique on bombarde des enfants devant les yeux d’un monde qui prétend être civilisé ? Si nous ne pouvons pas défendre ces civils massacrés par les armes, c’est la moindre des choses que d’aider les blessés, un devoir que nous présentons en toute humilité », dit le Dr Saïd, spécialiste en soin intensif et médecine d’urgence. Et avant que le bus ne commence son voyage vers Rafah, dernière station avant de passer à l’autre côté pour entamer leur mission aux territoires des risques à Gaza, les médecins saluent quelques membres de leurs familles et amis qui sont venus dire adieu à leurs chers. Inquiétude, soutien, larmes et crainte, des différentes émotions règnent dans le lieu qui à peine commence à voir le soleil du jour. Un jour qui n’est pas comme les autres pour les familles de ces médecins fedayins.

Tareq Salem, un homme d’une quarantaine d’années, n’arrive pas à contenir ses larmes de voir son frère partir vers une terre de tous les dangers. « Il a pris seul et soudainement sa décision. Il est mon frère unique, cependant, je ne peux pas lui interdire de participer à alléger les peines des victimes des massacres de Gaza », dit-il. Haïssam, ingénieur et membre de famille d’un des médecins combattants, explique qu’il espérait être médecin pour joindre cette caravane médicale.

Une question de volonté

Et tiraillé entre les adieux des membres de familles qui connaissent la mission et la crainte de la réaction de ceux qui ne l’ont pas encore appris, les médecins essayent de préserver une volonté de fer. « Il n’est pas question de reculer, c’est un devoir que notre métier et notre conscience nous dictent, sinon, nous n’aurons jamais la conscience tranquille face à cette situation dramatique dans la bande de Gaza », dit le Dr Tamer Al-Sobki qui explique qu’il a été très content après avoir reçu la permission de l’union pour se préparer au voyage. « Je n’ai pas pensé aux risques et j’ai expliqué à mon enfant de 9 ans qui suivait, à la télé, les massacres des enfants palestiniens que je partirais là-bas pour essayer d’alléger leurs peines », ajoute Tamer.

Et le voyage vers Rafah n’a fait que commencer. Les médecins passent le temps entre les coups de fils, la lecture du Coran ou les journaux pour suivre les nouvelles de la guerre à Gaza et aussi à échanger des discussions pour remonter le moral parmi le groupe. « Ne t’inquiète pas, je suis bien, nous sommes en route, je vais t’appeler avant de passer en Palestine. Tu sais qui est avec nous, c’est le Dr Mohamad Ghoneim, je n’arrive pas à le croire », dit l’un des médecins sur son portable. Un autre reçoit un appel du Dr Hossam Al-Basrati, médecin qui est déjà passé à la bande de Gaza il y a deux jours. « Il vous salue et vous encourage », dit le médecin à ses collègues. Une ambiance d’enthousiasme règne et surtout quand un autre médecin, comme Khaled Hefni, leur raconte qu’il est venu d’Arabie saoudite pour des vacances de quelques semaines, laissant sa femme et ses enfants. « Cependant, face à ce devoir d’apporter le secours à nos frères en Palestine, j’ai décidé de joindre la caravane sans plan préétabli. Je ne sais pas ce qui se passerait avec mon permis de travail et mon visa. Tout ce qui est important est de sauver un peuple en danger, dont nous ne sommes pas loin », dit Khaled.

En fait, la plupart du groupe des médecins n’a pas eu le temps de bien préparer son voyage. Le contenu des valises le prouve. Quelques vêtements, un Coran, et comme le dit le Dr Rached, quelques appareils médicaux, rares et qui sont utilisés dans les chirurgies très compliquées et bien sûr une caméra. Dr Rached explique qu’il a eu une expérience en traitements des blessés palestiniens hospitalisés à l’Institut Nasser. « Souvent, ils sont atteints d’une manière à les rendre paralysés aux bras ou aux pieds. Les Israéliens visent à paralyser les Palestiniens s’ils ne meurent pas. Aujourd’hui, nous entendons parler d’armes chimiques et des bombes phosphoriques qui rendent les corps comme momifiés ou qui font des blessures internes difficiles à traiter », rapporte le Dr Rached, en ajoutant qu’il a rencontré des Palestiniens gravement blessés qui veulent guérir pour pouvoir rapidement retourner à Gaza. Des situations qui l’ont poussé à participer à cette caravane. Une décision que sa femme a encouragée, tandis que son beau-père et son frère aîné l’ont qualifiée d’impulsive.

Entre peuples et gouvernements

Et dans le point d’inspection de Peluse, les médecins ont eu la peur au ventre qu’ils soient interdis par la sécurité et que leur mission soit interrompue. Cependant, après environ une demi-heure d’attente et des mesures de sécurité, ils ont passé. Des mesures qui inquiètent Mohamad Al-Guizawi et Mohamad Saïd, qui sont déjà allés à Rafah et ont passé quatre jours sans pouvoir accéder au terminal. Une fois arrivé à Arich, une période d’attente est obligatoire pour rencontrer les coordinateurs, qui se sont assurés que tous les médecins ont leurs passeports et aussi pour rencontrer d’autres médecins qui joignent la caravane dont trois Yéménites.

Et il semble que le drame de la bande de Gaza a uni le peuple arabe, même si elle n’est pas arrivée à le faire avec les chefs d’Etat. En plus des Yéménites, il y a eu un Jordanien et un Syrien vivant au Danemark. « Pas d’espoir dans les prises de positions officielles, alors il faut que les peuples agissent », dit Mohamad Al-Bachir, Jordanien. Quant à Guihad, le Syrien, il confie qu’il a décidé de venir au lieu de passer le temps à pleurer devant les scènes terrifiantes diffusées dans les télés.

Des heures passent et le voyage touche à sa fin, cependant, après plusieurs arrêts pour les mesures d’inspection, le premier jour est passé sans que la caravane ne passe et les médecins devraient attendre le lendemain pour demander la permission de passer par le terminal. Un lendemain qui coïncidait avec la visite du fils du président et secrétaire général du Comité des politiques au PND, Gamal Moubarak, à Rafah. Une visite qui a bloqué le passage des médecins pendant des heures. Heures d’attente qui les font approcher du champ de bataille un jour où les affrontements qui se sont déroulés étaient des plus violents. Les explosions et les tirs sont entendus et vus à Rafah. Les habitants des régions très proches des frontières, notamment Al-Barahma, Salaheddine et Canada ont été effrayés par les explosions qui ont causé de grands dégâts dans leurs maisons. Des tirs et des raids israéliens ont traumatisé les enfants de Rafah, qui ont peur d’être blessés par un des fragments d’obus qui tombent chez eux.

Une fois la visite officielle terminée, la caravane retourne au terminal pour commencer les procédures du passage vers Gaza. Et voilà, l’entrée est autorisée. Il faut simplement terminer les procédures : 31 Egyptiens, en plus de deux Bahreïnis et un Syrien du Danemark. Cependant, les Yéménites ont été interdis, en attendant d’obtenir la permission de leurs ambassades. Une condition imposée par les autorités et qui doit s’appliquer sur tout étranger. Un obstacle qui entrave le passage des trois jeunes médecins jordaniens, qui sont venus avec leurs bagages pour passer à l’autre côté et offrir leur aide et sans même contacter personne.

Des coups de fils s’échangent ici et là. « ça y est, c’est confirmé, j’ai décidé, pas de temps pour la discussion, nous attendons le permis de passer », dit l’un des médecins à sa femme qui essaye de le convaincre de retourner en versant des larmes. Le temps passe et la distance qui sépare les médecins combattants se réduit. L’un demande à sa femme de bien soigner les enfants, l’autre passe le temps à prier ou à lire du Coran, tandis que certains essayent d’alléger la tension en échangeant des anecdotes. Les raids israéliens s’intensifient et les explosions qui font trembler la terre semblent les préparer à leur difficile mission dans la terre de guerre. Une explosion qui coïncidait avec la dernière phrase que le Dr Khaled a écrite dans la déclaration qu’ils doivent signer : « Je déclare moi le médecin x, que je passe aux territoires palestiniens à ma responsabilité, malgré les avertissements des autorités égyptiennes et malgré les dangers », une chose qui m’a fait tenir à ma décision. « Ca vaut le sacrifice », dit Khaled qui critique cette séparation entre la position de l’Etat et celle du peuple. « Il faut que le ministre de la Santé annule cette déclaration. Nous aidons le peuple palestinien au nom de nos pays. Pourquoi donc signer une telle déclaration ? », se demande-t-il. Environ trois heures se sont écoulées avant que les agents de sécurité n’annoncent que tout est prêt. Une vague d’émotions règne entre les médecins, dont les uns prosternent pour remercier Dieu, tandis que les autres échangent des félicitations d’avoir l’honneur de briser l’embargo de Gaza. Montés dans le bus venu de l’autre côté, entourés par les agents de sécurité du terminal qui leur souhaitent une mission réussite et des avertissements de prendre soin d’eux-mêmes. Sobhi, chauffeur palestinien, explique qu’il les emmènerait à l’hôpital d’Abou-Youssef Al-Naggar à Rafah, où ils seront répartis sur les autres hôpitaux, Al-Chefaa et Khan Younès. Et le bus sort du terminal pour une mission bien risquée, tandis que les ambulances affluent emmenant de nouveaux blessés pour les transporter aux hôpitaux égyptiens. Un va-et-vient douloureux qui fait déchirer les cœurs et que seul un cessez-le-feu pourrait l’épargner.

Doaa Khalifa

 




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