Al-Ahram Hebdo, Littérature | Iman Abdel-Hamid, Des éléments convenant à toutes les histoires
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Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 24 au 30 Septembre 2008, numéro 733

 

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Littérature

Iman Abdel-Hamid se situe dans Mohawalat lil takhafi entre le réel et l’imaginaire, où les êtres humains se cachent tout en se livrant. Ses courts textes poétiques, d’une écriture concise, sont ceux d’une jeune Alexandrine dont le style laisse transparaître l’intensité de la parole.  

Des éléments convenant à toutes les histoires 

La porte

Elle possède toutes les possibilités lui permettant de me faire entrer ou sortir et même de m’offrir quelques centimètres pour prolonger mon regard vers l’entrée de mon appartement pour voir le meuble servant à l’argenterie (qui n’en contient aucune) qui se dresse avec défi, dévorant un énorme espace de notre entrée … Uniquement pour que ma mère s’y pose devant avec fierté, montrant du doigt certaines assiettes chinoises de piètre fabrication comme faisant partie de son patrimoine familial.

 

La fenêtre

Elle peut toujours m’offrir un ciel bleu avec des oiseaux migrateurs, une mer douce et une jolie jeune fille qui va et vient sur le balcon d’en face, préoccupée qu’elle est, à étendre quelques pièces de vêtements sans aucune importance, tout en m’envoyant des regards timides et furtifs … Pourtant, lorsque je plonge le regard de mon balcon, je ne vois qu’une échoppe de mécanicien, une épicerie à la devanture obscure et un immeuble qui se dresse face à moi, aux balcons obscurs sans jeune fille et sans linge étendu.

 

La chérie

… Il me fallait toujours m’imaginer une jeune fille spéciale pour pouvoir terminer mon histoire avec quelque véracité et un certain plaisir et elle se devait d’être parfaite n’ayant rien à voir avec le soleil brûlant au-dessus de nos têtes, ni avec la rue bondée de masses humaines qui s’animent … Notre séparation venant pour diminuer un tant soit peu le brouhaha du monde.

 

Ma mère

Elle est capable à tout jamais de m’offrir de la bonne nourriture, des vêtements débarrassés de leur crasse sans aucun profit, si ce n’est ma présence écorchée à ses côtés, malgré un boulot qui n’arrive pas et des journaux emplis de postes vacants pour tous sauf pour moi … Elle fourre dans ma poche ses quelques livres alors que je dors, me permettant ainsi de payer mon verre de thé et le journal qui ne porte que des faux espoirs …

 

Dieu

Il ne s’est pas beaucoup préoccupé des prières de ma mère, ni de ses larmes pour me sortir de mes souffrances, l’implorant au nom du prophète, de ses compagnons et de la Kaaba qui illustre son tapis de prière … Mais tout ceci n’a pas suffi pour qu’Il exauce ses prières.

 

« Je ne prie pas … bien que je sois très confiant en ses prières ».

 

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Moi

… Ma mère continue à dire mon nom précédé du mot Monsieur. Et cela ne fait qu’augmenter ma défaite et faire fuir mes jeunes filles fantasmées toutes les nuits … pour laisser à Aïda le chemin libre.

 

Les matins des beaux dimanches

Oh Mariam, alors que tu passes ainsi devant moi, portant des beaux cheveux noirs derrière toi … et que sur ta poitrine timide que tu t’efforces de cacher, dort ta petite croix en argent, se cognant, à chaque pas que tu fais, à la maigreur de ton corps. Je te vois debout à la fenêtre de notre maison et je comprends alors, en ce matin, que tu es en direction de l’église dont je peux voir le clocher d’ici … et dont les cloches retentissent de plus en plus. Alors je précipite mes pas derrière toi et les paroles étonnées de ma mère se précipitent également à ma suite … (Ma mère s’appelle Mariam … Le temps et la mort de mon père ne lui ont laissé, elle, que des cheveux usés).

Une senteur dense me pénètre alors que je mets les pieds au sein de l’église, accompagnés des regards sceptiques du gardien. Je vois ton mince corps, agenouillé pour prier dans la sérénité. Je découvre sa beauté et je te désire … Et, je suis pris de honte.

Je contemple l’image du Christ alors qu’il était un bel enfant plein de vie … alors que toi Mariam, tu le portes dans tes bras, dans un cercle de lumière … Et je l’aime.

Je l’admire en le voyant sur son image alors qu’il est devenu un jeune homme aux yeux limpides et aux cheveux bouclés en douceur et je t’envie parce que tu possèdes dans ton imagination une image à laquelle tu peux toujours revenir.

J’aime tes doigts éclairés par ta petite bougie et je prolonge la main pour allumer une bougie à la mémoire de mon père décédé et une autre pour que je réussisse cette année et une troisième pour ma mère qui continue à se plaindre à Dieu.

Puis je lis la Fatiha.

Ce jour-là, ma mère a beaucoup pleuré jusqu’à se bleuir les joues en demandant à Dieu quels étaient les péchés qu’elle avait commis pour qu’Il lui donne un stupide enfant qui fait le signe de la croix et part à l’église en ces beaux dimanches matin.

… Oh Mariam, pourquoi ne remarques-tu pas ma présence si proche de la tienne ?

Est-ce parce que je pars au mausolée proche de la maison écouter le prêche du cheikh et faire la prière du vendredi, demandant à Dieu de me mettre sur le bon chemin ? Ou alors parce que je porte une djellaba blanche, les matins des fêtes, alors que la voix du cheikh Réfaat emplit notre demeure, ou encore parce que ma mère pleure dans son lit, la nuit, et se couvre les cheveux malgré leur flagrante détérioration, en présence des étrangers.

Je vois tes yeux qui m’ont sorti de leurs orbites, comme si le monde s’était rétréci subitement pour m’en chasser.

Ma bougie que j’allumais, tous les dimanches, ne semblait pas suffire. De même, le partage de ton jeûne éreintant qui mettait ma mère en colère, en me prévenant de ce qui pourrait advenir à mon estomac, ne suffisait pas à jouir de ton amour … sans honte … et sans dissimulation.

Maintenant, Mariam, je me tiens debout à la fenêtre de notre demeure. Je sais parfaitement que tu ne te montreras pas comme d’habitude devant moi, laissant tes cheveux se prolonger sur ton dos, te précipitant vers l’église au son des cloches énormes, je sais cela, comme je sais également combien sont beaux ces dimanches matin lorsque tu apparais.

Alexandrie,

20 octobre 2001.

 

Mémoire

Au début et malgré nos disputes, je pensais souvent à lui et je me souvenais parfaitement de nos moments ensemble. Je pouvais ressentir son corps collé au mien, l’odeur de sa sueur, la chaleur de son souffle, son baiser sur mon front et mon épaule, et même le fait de s’étendre à mes côtés rasséréné.

Je ne sais pas combien de temps a passé, mais je me souviens de lui comme d’un tout, comme un être que je connais mais sans vrais détails. Les traits de son visage me semblent lointains, je ne peux plus me souvenir du toucher de ses paumes, du retrait de ses cheveux de sur son front, du nombre de ses cheveux blancs dont je suivais l’apparition et le compte. Je ne peux plus me souvenir de tout cela et ma mémoire devient fragile, creuse, ne gardant plus rien.

… Je ne sais, est-ce la colère, ou est ce la distance qui produit cela en nos mémoires, augmentant les passages vides qui nous surprennent pour s’étendre avec férocité durant la nuit. Quelques centimètres à peine perceptibles pour le regard font leur chemin dans le silence et dans la détermination pour que s’éloignent de plus en plus les personnes aimées tous les matins.

Et maintenant … je fouille dans toute la maison à la recherche de son odeur qui pourrait subsister encore dans ses vêtements, dans ses papiers, dans un fauteuil, dans la partie qui lui est réservée au lit, dans le bouton d’éclairage, uniquement pour m’aider à me souvenir. Pourtant, ma mémoire est complètement vide de toute odeur de lui.

Alexandrie,

25 janvier 2005.

Traduction de Soheir Fahmi

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Iman Abdel-Hamid

Est née à Alexandrie en 1974. Elle a fait son DEA en psychiatrie en 2006. Parallèlement à la médecine, elle écrit et publie depuis les années 1990 dans nombre de revues littéraires comme Akhbar Al-Adab. Elle est également membre de l’Atelier des artistes et écrivains d’Alexandrie. Sa première œuvre Mohawalat lil takhafi a été primée en 2007 par Le prix Naguib Sawirès pour la littérature arabe, dans la nouvelle. Cette œuvre située entre nouvelle et poème, publiée à Alexandrie en 2006, est également la première dans la collection du livre Al-Kol (le tout). Il s’agit d’un groupe de jeunes écrivains indépendants qui ont lancé un groupe en 2004, qui s’occupe de l’écriture. Les membres du groupe Al-Kol ont élaboré leur expérience d’écriture en publiant un coffret de quatre livres qui concrétise leur vision de groupe qui se réunit pour souligner leur différence entre poème, nouvelle et roman.

 

 

 




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