Al-Ahram
Hebdo : Il existe, en ce moment, un état de chaos sécuritaire
dans la bande de Gaza. Comment l’Autorité palestinienne entend-elle
y maintenir l’ordre et la sécurité après le retrait israélien
?
Jibril Rajoub
: Tout d’abord, j’aimerais
rappeler que le retrait israélien a été unilatéral et a été
fait sans aucun contact ni coordination avec l’Autorité palestinienne.
Jusqu’au retrait d’Israël de la bande de Gaza, les priorités
de l’Autorité étaient le renforcement de la résistance et
la survie de ses habitants, sous l’occupation israélienne.
Les questions auxquelles nous accordions de l’importance avant
le départ des Israéliens étaient très différentes des défis
que nous avons devant nous en ce moment. Pour l’heure, l’Autorité
a fixé des priorités, qui sont celles d’imposer la loi et
de faire prévaloir l’ordre dans un cadre d’unité de l’Autorité
et aussi dans le cadre d’un ensemble de lois et principes
qui vont dans le sens du rétablissement du calme. C’est ainsi
que nous œuvrons pour mettre fin à la situation de chaos sécuritaire
qui règne à présent à Gaza. Mais il faut souligner que la
situation en est arrivée là uniquement à cause des cinq dernières
années de présence militaire israélienne dans les rues de
Gaza.
— L’Autorité
va-t-elle procéder au désarmement des factions palestiniennes
armées comme le Hamas et le Djihad islamique ?
— Cette question
ne figure pas en ce moment sur l’agenda de l’Autorité palestinienne.
La question du désarmement sera traitée dans le cadre d’un
dialogue national interpalestinien. Les groupes qui considèrent
le port d’armes comme faisant partie de leur agenda politique
ne représentent pas une menace pour l’ordre interne palestinien.
Mais ceux qui sont en possession d’armes et n’ont pas d’agenda
politique et les utilisent uniquement pour perpétuer l’état
de chaos, ceux-ci représentent une menace à la sécurité de
notre société. Ils seront traités dans le cadre de la loi.
Nous sommes en train de construire une société marquée par
le pluralisme et par la coopération entre les parties. La
question du port d’armes et de son organisation à l’intérieur
de la société palestinienne sera traitée par le Conseil législatif.
— Qu’en est-il
du sort du point de passage de Rafah ? Restera-t-il opérationnel
ou sera-t-il fermé au profit d’un autre, comme le veulent
les Israéliens, au point sud de la bande de Gaza, à l’intersection
de la frontière israéleo-palestino-égyptienne ?
— La situation
sur la frontière égypto-palestinienne fait partie du chaos
laissé par le retrait unilatéral israélien, effectué sans
aucune coordination ou coopération avec le côté palestinien
ou le côté égyptien. Le règlement de la situation sur la frontière
reste une responsabilité uniquement égypto-palestinienne,
et nous ne déplacerons pas le passage de Rafah vers la région
du triangle israélo-palestino-égyptien comme le veulent les
Israéliens. L’actuel passage de Rafah assure les déplacements
de Gaza vers l’Egypte et vice-versa. Le passage entre Gaza
et l’Egypte connaîtra désormais un mouvement libre entre les
deux côtés, réglementé uniquement par les Egyptiens et les
Palestiniens, sans la participation ou l’interférence des
Israéliens. Nous œuvrerons avec les Egyptiens, pour trouver
une formule susceptible d’imposer la stabilité régionale.
Nous n’avons pas d’objection à laisser participer une troisième
partie, pourvu qu’elle ne soit pas bien entendu Israël dans
l’organisation de la sécurité sur la frontière égypto-palestinienne.
Nous sommes maintenant en train d’œuvrer pour faire prévaloir
l’ordre et organiser le mouvement entre l’Egypte et la Palestine
et vice-versa. En tout cas, on ne peut pas nier que le siège
et la situation dans laquelle ont vécu les Palestiniens de
cette région au cours des 11 dernières années — avec parfois
des familles séparées par la frontière — ont causé un élan
naturel, même désordonné de la part de la population. Il fallait
donc s’attendre à cette réaction de la part de la population
et qui était une réaction tout à fait normale. De toute façon,
nous considérons que la situation allait se régulariser petit
à petit.
— Qu’en est-il
des autres questions en suspens, comme la construction du
port de Gaza, la réhabilitation et la réouverture de l’aéroport
de Gaza et l’établissement du passage sûr entre la bande de
Gaza et la Cisjordanie ?
— Toutes ces
questions liées au port, à l’aéroport, au passage sûr entre
Gaza et la Cisjordanie et même celle du passage de Rafah sont
encore en train d’être discutées. Tant que ces quatre points
essentiels n’auront pas été réglés convenablement, nous ne
pourrons pas parler de libération ou d’indépendance de la
bande de Gaza. Ceci voudra dire que l’occupation continue.
Et nous avons bien expliqué cela aux membres du Quartette
(Ndlr : les Etats-Unis, la Russie, l’Union européenne et l’Onu),
ainsi qu’à toutes les parties régionales et internationales
impliquées dans le processus de paix, sans parler bien entendu
de l’Egypte, qui joue un rôle extrêmement actif pour faire
face et résoudre ces problèmes. Et je pense que le non règlement
de la question de nos frontières avec le reste du monde voudra
dire que la situation ne changera en rien et que l’occupation
israélienne perdurera.
— Quel est
le sort de la Cisjordanie après le retrait israélien de la
bande de Gaza ?
— Il n’y a rien
de nouveau en ce qui concerne la Cisjordanie. Nous sommes
en train d’œuvrer pour tenter de reprendre le processus de
paix après le retrait israélien de Gaza, pour tenter de faire
en sorte qu’il y ait une fin de l’occupation de ces terres.
Car l’occupation de la Cisjordanie est une source d’instabilité
et doit focaliser l’attention de tous ceux qui veulent parvenir
à la stabilité régionale au Moyen-Orient ainsi que la sécurité
du monde. L’occupation israélienne est l’ennemi le plus important
de la paix et la stabilité dans cette partie du monde. Nous
œuvrons sérieusement pour un retour aux négociations et au
dialogue avec l’Etat hébreu.
— Qu’en est-il
des projets internationaux pour améliorer l’état des infrastructures
palestiniennes dans la bande de Gaza, détruites par l’armée
israélienne pendant les années d’occupation ?
— Notre infrastructure
a été complètement anéantie par l’occupation israélienne.
Et il existe actuellement un plan pour sa reconstruction sur
des bases solides et modernes. Je parle en particulier des
secteurs de l’électricité, de l’eau et des égouts. Et il existe
également des plans de reconstruction des maisons des familles
détruites par l’armée israélienne afin d’offrir une vie normale
aux Palestiniens.
— On parle
depuis plusieurs mois de réformes internes au sein du Fatah,
le principal mouvement palestinien, au pouvoir, et de la tenue
d’élections internes. Y a-t-il du nouveau ?
— Il y aura bientôt
une conférence générale du mouvement Fatah ainsi que des élections
préparatoires pour les candidats du Fatah aux législatives
prévues en janvier 2006.