|
Saint-Valentin .
Les difficultés économiques,
les contraintes sociales rendent les jeunes de plus en plus
pragmatiques. Quand il s'agit de mariage, on cherche davantage
un partenaire selon des critères pratiques que poussé par Cupidon.
Mais l'amour, le grand, n'a pas encore complètement perdu la
bataille. |
On
ne vit plus d'amour et d'eau fraîche |
« Aimer
est un grand mot, on n'est plus à une époque où l'amour passe
avant tout, il faut penser à l'appartement, à la chabka
et la dot et je n'ai pas le temps de m'éprendre de quelqu'un.
Pour fonder un foyer, je cherche une fille bien éduquée, de
bonne famille et elle sera la prunelle de mes yeux ».
C'est avec ces mots que Sami, technicien de 25 ans, explique
sa philosophie sur le mariage. Il poursuit que le jour où il
trouvera celle qui saura le respecter et prendra soin de lui,
il finira sûrement par l'aimer. Sami n'est pas le seul à raisonner
de la sorte ; aujourd'hui, beaucoup de jeunes pensent au
mariage comme un moyen de combler un besoin sexuel, faire des
enfants ou répondre aux contraintes de la société pour avoir
ce statut de famille. Dans ce raisonnement, l'amour est relégué
au second plan. Ainsi, si toutes les conditions requises sont
là et que l'amour est absent, un contrat de mariage peut être
signé.
Il semble que les
contraintes économiques et sociales rendent le choix de plus
en plus difficile comme nous confie le psychiatre Ahmad Abdallah,
chargé de répondre au courrier des jeunes et de résoudre leurs
problèmes sur le site Internet islam-online. Ce qui explique
que de nos jours, beaucoup de mariages finissent par un divorce
ou, au meilleur des cas, conduisent à une relation froide avec
ou sans infidélité conjugale. Un bon de nombre de ménages endurent
en silence un mariage sans amour, sans émotion où seule l'éducation
des enfants compte.
Un besoin irrésistible
de s'unir dans une société qui n'autorise de relation homme-femme
que dans le cadre du mariage et la crainte de ne pas tomber
sur l'homme ou la femme de sa vie font que le choix du partenaire
est calculé. Et ce, souvent au dépend du facteur amour. Pour
se justifier, on tente de se convaincre de ce que nous répètent
les anciens, à savoir que l'amour vient après le mariage. Résultat
: beaucoup de jeunes filles à la recherche d'un mari s'imposent
des critères de choix bien définis. Il faudra que ce jeune homme
soit issu d'une bonne famille, qu'il soit aisé, et qu'il dégage
un sentiment de sécurité. L'homme, pour sa part, recherche une
jolie fille, bien éduquée, pieuse et de bonne famille et c'est
tout. « L'amour viendra après », dit-on tout
en continuant par citer de nombreux exemples de mariages d'amour
qui se sont soldés par échec.
C'est également
l'avis de Soad, chercheur dans un centre social et même de ses
collègues qui sont prêtes à se marier avec un homme aisé, même
s'il est âgé ou déjà marié. « L'essentiel est qu'il
me garantisse une vie aisée, je ne perdrai pas mon temps à attendre
le jeune homme que j'aime et qui n'aura pas les moyens de me
rendre heureuse », explique-t-elle tout en ajoutant
que l'on ne peut pas vivre d'amour et d'eau fraîche et qu'elle
a rencontré plusieurs cas de couples qui se sont aimés et dont
l'union n'a pas duré. « Le problème n'est pas d'aimer
ou de ne pas aimer, mais de comprendre le concept de l'amour.
Le mot aimer est banni du lexique des jeunes qui pourtant parlent
d'amour, ou passent leur temps à écouter des chansons d'amour
ou à regarder des films romantiques », explique le
psychiatre Alaa Morsi. Il ajoute que l'amour n'est pas seulement
de ressentir une attirance envers l'autre ou d'éprouver des
sentiments ardents, mais c'est aussi un engagement, un sentiment
de respect et de responsabilité envers l'autre. Il définit l'amour
comme étant « la volonté de déployer un effort pour
développer l'évolution spirituelle de soi et de l'autre »,
dit-il.
|
Règles et
engagements |
Et s'ils parviennent
à saisir cette philosophie, beaucoup considèrent les sensations
d'attirance ou de fougue comme des sentiments d'amour qui peuvent
mener au mariage sans même en être convaincu, alors qu'une véritable
relation d'amour a ses règles et ses engagements. « Si
l'amour est un facteur essentiel pour qu'une relation conjugale
dure, il faut aussi un certain degré de convenance, de capacité
à bien s'entendre, de savoir donner et de faire un effort pour
prendre soin de l'autre, sinon ces sentiments d'amour se transforment
en tourments qui prouvent le sentiment le plus fort »,
explique Dr Morsi en faisant allusion aux milliers de cas de
couples qui souffrent à cause de cette incompréhension du sens
de l'amour.
Un avis partagé
par le Dr Abdallah qui assure que beaucoup de jeunes pensent
que l'amour, c'est des mots séduisants, des fleurs, des cadeaux
ou autres compliments et une certaine image que les filles se
font de l'homme. « Une fois mariée, elle perd cette
image illusoire, réalisant ainsi que son mari n'est pas l'homme
de sa vie », explique le Dr Abdallah en se souvenant
de plusieurs cas de jeunes qui lui ont confié leurs problèmes
sur Internet. Il ajoute que les jeunes des deux sexes semblent
perturbés dans leur choix. « Le choix est basé souvent
sur certains critères, comme la beauté, l'apparence religieuse
ou les moyens matériels, sans comprendre que le mariage est
comme la corde ; tant qu'elle est bien nouée, elle résiste.
D'où les nombreux échecs puisque à la base, ce sentiment d'amour
n'a pas existé ».
Cependant, l'amour
fait encore titiller l'esprit d'un bon nombre de jeunes qui
y croient toujours. Ils rêvent de vivre cette expérience et
insistent à dire qu'ils ne se marieront pas sans l'avoir trouvé.
Ahmad, 32 ans, journaliste et séducteur, confirme qu'après une
bonne expérience avec l'autre sexe, il ne se hasarderait pas
à se marier avant d'avoir rencontrer l'âme sœur. « C'est
l'amour qui crée la valeur réelle de l'engagement ou du mariage,
je peux avoir une partenaire qui me convient du point de vue
social, économique et culturel, issue d'une bonne famille, mais
avec laquelle j'aurai du mal à partager ma vie parce que je
ne l'aime pas. L'amour nous fait toujours supporter les défauts
de l'autre, ce qui n'est pas le cas lorsqu'on n'aime pas ».
Une réalité que
Zizi, 24 ans et femme de ménage, a constatée, malgré son niveau
d'éducation modeste. Elle s'est mariée à l'âge de 19 ans avec
un homme qu'elle n'aimait pas, mais qui faisait tout pour lui
faire plaisir. « Je ne supportais pas qu'il me touche ;
pourtant il me comblait de cadeaux, il ne me refusait rien ».
Aujourd'hui, Zizi s'oppose à la volonté de ses parents qui insistent
à la remarier avec un homme prêt à lui fournir tout ce qu'elle
veut alors qu'elle en aime un autre dont les moyens sont bien
plus modestes. Et elle tient tête. « Avec l'amour, la
vie est agréable et je suis prête à tout, je ne céderai pas
à mon droit de me marier avec celui que j'aime ».
Et elle n'est pas
la seule à croire que l'amour est un élément essentiel au mariage,
son amie nubienne a retardé son mariage de 6 ans pour convaincre
ses parents d’accepter l'homme qu'elle a choisi, car dans leurs
traditions familiales, on ne se marie pas avec un étranger à
la famille. Après 6 ans d'obstination et de preuve de loyauté
et de sentiments sincères, c'est l'amour qui l'a emporté, puisque
ses parents ont fini par céder. Ce qui prouve que l'amour a
encore droit de cité. |
Doaa Khalifa |
|
|
|