S'il est élu premier, il réalisera
son rêve d'argent et de pouvoir. Mais même son
conte de fées intitulé Le Vaillant Hassan et
la pomme d'or, où le héros devrait accomplir
les plus difficiles exploits pour mériter sa belle,
raconte que notre intrépide jeune homme se retrouve
désarmé au bout du chemin qu'il a choisi :
la route du non-retour où l'échec vous suit jusqu'au
bout.
Dans sa pièce précédente, Attar
nous offre à voir les membres de sa famille chacun
enfermé dans sa chambre, telle une cellule. Aujourd'hui,
il voit plus grand. C'est toute la société compartimentée
sur la scène. Des fragments de la vie quotidienne
qui prouvent et reprouvent qu'il n'y a aucune
échappatoire. L'émission donne courage ?
Mais il n'y a que des tarés qui y participent.
Plus fumiste encore, l'animateur du programme.
Ce n'est pas non plus parmi les habitués du café
qui fument le narguilé et jouent au trictrac qu'un
quelconque héros peut percer.
L'école, ultime lieu de savoir
et de connaissance, féconde des illettrés. Le
prof élevé au rang de prophète par l'une de nos
maximes les plus respectueuses de la transmission
du savoir (une autre maxime dit : je suis
l'esclave de celui qui m'a enseigné une lettre)
est un pauvre instituteur qui ne réclame aux écoliers
que le par cœur des leçons. Toute analyse ou même
compréhension est bannie du système scolaire.
D'ailleurs, l'instituteur finit par battre l'élève
quand il hésite à un moment de sa récitation.
Et nous sommes dans une école laïque !
Le soldat est certes le personnage
le plus symbolique dans la société. C'est lui
qui protège notre terre et la défend contre l'ennemi
agresseur. C'est lui qui verse son sang sur le
champ de bataille pour que reste élevé l'étendard
de l'honneur et de la fierté de son peuple. Ce
soldat, chez Al-Attar, ne déserte pas, ne dépose
pas ses armes, ne cherche pas le repos du guerrier,
il jure fidélité et soumission au drapeau américain.
C'est le moment le plus fort de la pièce. Car
ce qu'on aurait pu croire être une fantaisie dramatique
touche la réalité de trop près.
Puis il reste Hassan, celui de
la rue et non pas du conte. Il est déprimé, chômeur
et fatigué. Il mange ses pâtes embrouillées d'une
sauce tomate à la couleur incertaine et nous regarde.
Silence. Mais dans la scène finale, il se prépare
en boxeur pour devenir héros. Il le sera, car
il a mis le doigt sur l'énigme : détester
les Egyptiens pour devenir citoyen américain.
De quelle catégorie, la pièce ne le dit pas.
Tout ceci est rythmé par l'apparition
d'une femme qui traverse la scène. A chaque fois,
elle « les » maudit. Ceux-ci
ont été responsables de tous ces dégâts. Les dégâts
humains qui résultent de la profusion intégrale
de la médiocrité sont vite récupérés par ces émissions
factices, substituts encore plus médiocre que
les discours de lavage de cerveau, mais qui font
miroiter au loin ce rêve tangible annoncé par
l'émission.
Cet échantillon du paramètre
de bêtise quotidienne dans tous les secteurs aurait
pu être plus poignant si l'écriture des scènes
n'avait pas été aussi inégale. L'éclairage jouant
sur l'obscurité a été un choix peu heureux qui
n'éclairait pas assez les idées et les situations
qui, elles, étaient très éclatantes. L'éclairage
ne correspond certainement pas à nos références
visuelles lumineuses. Froid et embué, il a contribué
à une distanciation imprévue.
Mais le plaisir de voir des acteurs
comme Sayed Ragab et Hassan Kretly nous fait oublier
ces quelques défaillances.