Bien
que le choc ait été grand, aussi bien pour la direction que
pour le peuple palestiniens, l’élite palestinienne a cependant
réussi le transfert du pouvoir. Mais les choses ne sont hélas
pas aussi simples. De nombreuses difficultés, défis et dangers
entourent ces efforts en raison des lacunes et des accumulations
du passé. Notamment la destruction par les forces d’occupation
des dispositifs et des moyens qui auraient permis à l’Autorité
palestinienne d’imposer une maîtrise sécuritaire sur les territoires
palestiniens. La fusillade qui a eu lieu dernièrement à Gaza
est l’expression même de cette situation de défaillance sécuritaire
dans les territoires palestiniens. C’est l’un des dangers
qui menacent l’avenir de l’action nationale palestinienne.
Les directions palestiniennes doivent faire face en fait à
une épreuve difficile, celle de l’étape de l’après-Arafat.
Les différentes factions palestiniennes sont appelées à l’application
et à la réactivation du dialogue national pour aboutir à un
agenda national commun.
Pour sa part,
l’Egypte a déployé tous ses efforts pour la reprise une nouvelle
fois au Caire du dialogue inter-palestinien en vue de cristalliser
une position palestinienne commune. L’agenda national aidera
certainement la nouvelle direction à agir dans le cadre d’une
vision claire des positions palestiniennes et du rapport entre
« négociations et résistance ». Cela afin d’éviter les pièges
du gouvernement de Sharon. L’agenda comporterait par ailleurs
un mécanisme de dialogue régulier à travers lequel l’Autorité
nationale palestinienne peut informer les factions de l’évolution
des négociations. Alors que les directions palestiniennes
déployaient tous leurs efforts, les déclarations du président
Bush lors d’une conférence de presse avec le premier ministre
britannique Tony Blair ont suscité une situation de déception
et de désillusion généralisées.
En réponse aux
efforts des factions palestiniennes et des pays arabes pour
l’application de la Feuille de route, le président américain
n’a pas hésité à exprimer son refus d’intervenir ou de présenter
un engagement quelconque à ce sujet. L’Etat palestinien indépendant
peut, selon lui, voir le jour à la fin de son second mandat,
en 2009. Le président américain s’est appliqué par ailleurs
à mettre sur le compte des Palestiniens la responsabilité
de la paix : « Le seul moyen de parvenir à un Etat palestinien
indépendant réside dans l’établissement d’un système démocratique
qui part en guerre contre le terrorisme en Palestine ». Les
déclarations de Bush témoignent d’un renoncement prémédité
à ses positions antérieures, aux promesses déclarées en juin
2002, affirmant l’établissement en 2005 d’un Etat palestinien
indépendant à côté d’Israël.
Pour les Palestiniens,
les déclarations de Bush représentent une occasion de nier
les engagements antérieurs, en particulier concernant la création
d’un Etat palestinien indépendant.
Les Palestiniens,
peuple et directions, sont persuadés que l’appel à la lutte
antiterroriste en Palestine signifie le déclenchement d’une
guerre civile. L’objectif est de pousser l’Autorité palestinienne
à la lutte contre les organisations de résistance palestinienne
; autrement dit la guerre contre toutes les factions palestiniennes
: une ligne rouge que personne ne peut franchir, qu’aucune
direction n’accepterait au risque de perdre l’approbation
de tout le peuple palestinien.
Enfin, je voudrais
dire que la position de l’Administration Bush est dangereuse,
ce qui pourrait inciter les factions palestiniennes à la colère
et à la violence. Une position qui tue tout espoir chez ceux
qui croient ou parient sur la paix, palestinienne et arabe.
Ce qui est le
plus à craindre, c’est l’intensification de la violence à
l’issue des déclarations de Bush, ce qui va pousser la région
vers une anarchie globale que tous payeront très cher.