Que reste-t-il
aujourd'hui d'Aïcha Taymour (1840-1902), cette
pionnière du féminisme qui a
marqué la vie sociale et littéraire
de la fin du XIXe siècle ?
Aïcha Taymour
était l'une des premières femmes
à prendre position contre les
préjugés de l'époque qui ne
voyaient que la femme n'était utile qu'au
foyer. Aïcha s'intéressait à la
littérature et à l'étude des
langues et maîtrisait l'écriture de la
poésie en arabe, en persan, et en
turc.
A l'occasion du
centenaire de sa mort, le Forum de la femme et de
la mémoire vient de rééditer
son ouvrage Miroir de la contemplation dans la
situation (la première édition
étant parue en 1892) dans le cadre d'un
colloque sur l'ensemble de l'uvre de cette
femme et sa vie. L'uvre d'Aïcha Taymour
en arabe comprend un recueil de
poèmes : Helyat al-tiraz, (Les
Perles du style, 1884) qui comprennent des vers
d'amour et d'élégie, un livre,
Nataég al-ahwal fi al-aqwal wa
al-afaal (Les conséquences des
situations en paroles et en actes, 1887) que May
Ziyada a considéré comme le
début de l'art de la nouvelle moderne, et
Miroir de la contemplation dans la
situation, dans lequel elle étudiait les
relations entre hommes et femmes.
« A part ces premières
éditions, j'ai eu du mal à trouver
d'autres éditions des uvres
d'Aïcha Taymour à l'exception de son
recueil de poèmes, dont j'ai une version
photocopiée de l'édition de Dar
al-kotob des années 1960. Ces 3 ouvrages
étaient considérés à
l'époque comme une grande production. J'ai
voulu rééditer toutes ses
uvres, cela fait partie des buts de notre
organisation. Mais faute de budget, c'est le
Conseil national de la femme et le Haut Conseil de
la culture qui sont chargés de
rééditer au cours de cette
année les 2 autres ouvrages comme une
participation de leur part à la
célébration du centenaire de la mort
de cette pionnière »,
explique Hoda Al-Sada, professeur de langue
anglaise à la faculté des lettres du
Caire et présidente de
l'organisation.
La nouvelle
édition comprend non seulement l'uvre
de Taymour mais aussi la critique du cheikh
Fayoumi, un des oulémas d'Al-Azhar, parue
à l'époque dans une série
d'articles intitulés Lissan al-gomhour
ala mérät al-taämmol fi
al-omour (La Voix du public sur le miroir de la
contemplation dans la situation), dans le journal
d'Al-Nil et publiés par la suite dans
un livre.
L'ouvrage est
présenté par Mervat Hatem, professeur
de sciences politiques à l'Université
de Harvard a Washington. Cette introduction est
indispensable pour le lecteur d'aujourdhui vu
la difficulté de la langue arabe classique
employée par ces deux auteurs du XIXe
siècle.
Aïcha Taymour
dans son ouvrage essaye d'expliquer les
problèmes entre maris et femmes et leurs
causes à travers sa compréhension de
la religion musulmane et son interprétation
du Coran. Selon Mervat Hatem, « elle
est la première femme musulmane à
essayer de discuter les droits des hommes sur les
femmes et vice-versa selon les versets
coraniques ». Elle remet en question
le pouvoir de l'homme sur la femme. Elle
dénonce le mariage d'intérêt
que beaucoup d'hommes à l'époque
préféraient.
« Le
livre d'Aïcha a attiré l'attention des
écrivains et des intellectuels de
l'époque. On trouve dans beaucoup de
journaux et de revues de ce temps des
références à ce livre. En plus
il a provoqué ceux qui s'opposent à
la cause des femmes. C'est pour cela qu'ils ont
chargé le cheikh Fayoumi de répondre
à Aïcha. Notre but dans cette
réédition dépasse
l'idée de rassembler et de
rééditer les ouvrages de ces
pionnières pour découvrir
également les débats culturels
auxquels les femmes ont participé et leurs
rôles dans l'histoire de la culture arabe.
C'est pour cette raison qu'on a publié la
critique de Fayoumi afin de mettre en
évidence leurs différentes
positions », souligne Hoda
Al-Sada.
Et comme le souligne
Mervat Hatem, « le livre d'Aïcha
Taymour est un nouveau repère pour le
début de l'histoire moderne de la femme
surtout parce qu'il précède de 7 ans
le livre de Qassem Amin, Tahrir al-maraa (La
Libération de la
femme ».
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Le Forum de la
femme et de la mémoire a été
créé en 1997. Il s'agit d'un groupe
de chercheuses et de chercheurs qui
s'intéressent à l'Histoire arabe en
partant d'une idée simple, à savoir
que malgré le fait que les femmes forment
une partie importante de la société
et qu'elles ont joué un rôle important
dans l'Histoire. Ce rôle a été
négligé et marginalisé. La
mémoire collective est donc
déformée, doù la
nécessité d'études qui
fouillent dans l'histoire de la femme
arabe.
Les activités
de ce forum sont variées. Les voix des
femmes, par exemple, s'occupe de rassembler des
documentations et des biographies sur les femmes
qui ont participé à la vie publique.
On se rappelle sont des conférences
sur les pionnières du mouvement du
féminisme en Egypte. Parmi les
éditions du Forum de la femme et de la
mémoire, Al-Nissaiyat, Femmes,
de Malak Hefni Nassef (1998), Qalet
al-rawiya (La Narratrice raconte) (1999) de
Hala Kamal, Min Raédat al-qarn
al-achrine : Chakhsiyat wa qadaya
(Pionnières du XXe siècle :
Personnalités et problématiques,
2001), de Hoda Al-Sada
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