Al-Ahram Hebdo, Visages | Pierre Zalloua, Les gènes en histoires
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Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 10 au 16 juin 2009, numéro 770

 

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Visages

Pierre Zalloua, 43 ans, généticien et vice-doyen de la faculté de médecine à la Lebanese American University (LAU) ainsi que professeur associé adjoint à Harvard, remonte le temps à la recherche de l’origine des populations, dont la libanaise.

Les gènes en histoires

S’il faut un peu de tout pour faire un monde, il faut certainement beaucoup de savoir pour faire un savant. Car la connaissance ne vient pas comme la fortune et le vieil adage, en dormant, mais plutôt en « bûchant » dur, très dur. « Fais ce que dois, advienne que pourra », dit-on. Telle est la devise du Dr Pierre Zalloua.

Jeudi 30 octobre à 21h30, Marcel Ghanem, célèbre animateur du talk-show diffusé sur la chaîne LBC, présente dans le cadre de son émission un jeune chercheur, « passionné de génétique, d’archéologie et d’histoire », selon la revue scientifique américaine de renom, la National Geographic. Il s’agit du Dr Pierre Zalloua, professeur associé adjoint de l’Environmental health à Harvard, School of public health, aux Etats-Unis. Il n’hésite d’ailleurs pas à le clamer haut et fort : « La clé du succès ? Le travail, le travail et rien que le travail ».

Ceci dit, le voilà qui s’attelle à la rude tâche de l’acquisition de la connaissance. Sa licence de biologie en poche, il s’embarque, à 21 ans, à destination des Etats-Unis, où il prépare une maîtrise à l’Université San José de Californie et obtient une bourse d’étude pour un doctorat en génétique récompensant ses efforts et son travail. « Ce sont les plus belles années de ma vie, ces études de doctorat aux Etats-Unis. J’ai appris le vrai sens de la vie, entouré de populations venues de partout ». C’est à ce moment-là que l’envie de faire de la génétique le prend. « Je viens d’ailleurs de revisiter mon ancien collège, pas en tant qu’étudiant, mais plutôt à l’occasion d’un séminaire que j’ai organisé à l’intention de mes étudiants », dit-il. Un témoignage d’appréciation qui l’a profondément touché.

Une période d’exercice et de recherche s’ensuivit. Tantôt en génétique, tantôt en biologie moléculaire ou encore en génétique des populations, il enrichit ses travaux en établissant un pont entre le Liban, les Etats-Unis et autres. Directeur des recherches en génétique, chef de laboratoire au Chronic care center à Hazmieh (banlieue de Beyrouth) jusqu’en 2003. Puis à l’AUB, en tant que professeur-assistant et ensuite professeur-associé en 2007. Finalement, il accède, en septembre de la même année, à la vice-doyenneté de la faculté de médecine de la LAU à Beyrouth. « Le système est bon et sérieux », affirme-t-il, ajoutant : « Je suis ravi de travailler avec des étudiants très enthousiastes mais inquiets quant à leur avenir ».

Entre-temps, les subventions et encouragements abondent. Il dirige des recherches sur la génétique relatives au diabète. Il présente également en 2002 une étude sur la prévalence de la thalassémie au Liban. Et bien d’autres encore.

En 2006, il devient le chercheur attitré de la National Geographic society pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. The Genographic project, une trace de la migration humaine à l’extérieur de l’Afrique à travers le monde entier. Il y travaille encore et son travail est commenté par le New York Times et la chaîne spécialisée de National Geographic, la BBC pour ne citer qu’eux. Mais comme nul n’est prophète en son pays, le grand public libanais n’a fait sa connaissance qu’à travers l’émission de Marcel Ghanem sur la LBC.

Zalloua travaille au sein de la mère patrie, faisant la navette entre le Liban et les Etats-Unis, étoffée de recherches dans les principales universités des quatre coins du pays. Depuis 4 ans, il est à la recherche de nos racines, des siennes. « Les Libanais sont-ils les descendants des Phéniciens ? », une question qui le préoccupe. Personne, jusque-là, n’a été capable de donner une réponse catégorique. La seule certitude scientifiquement confirmée est que les hommes de la mer, grands navigateurs et commerçants, ont habité le littoral méditerranéen, notamment les côtes libanaise, syrienne, tunisienne, espagnole, maltaise et anatolienne. Les Phéniciens ont, paraît-il, semé leurs gènes dans les régions par lesquelles ils sont passés. Une fois terminée, cette étude apportera aux Libanais la réponse à leurs questions sur leurs origines. « Le caractère génétique phénicien existe et je suis à sa recherche. Si je le retrouve là où les Phéniciens ont vécu, je pourrai dire que certains Libanais, toutes confessions confondues, sont bien les descendants des Phéniciens », affirme le généticien.

Son étude comprend plusieurs étapes. Les échantillons sont composés exclusivement d’hommes, car outre la question du chromosome sexuel, il faut dire que « ce sont les hommes qui ont semé leurs gènes durant leurs voyages et en s’unissant aux femmes là où ils se rendaient », argumente-t-il.

Pour l’historien Hareth Boustany, l’étude génétique menée par Zalloua « est essentiellement basée sur l’ADN ». Etant donné que l’ADN représente le support du matériel héréditaire, un avant-projet de loi rédigé, en 2007, visait à élaborer une base de données destinée à centraliser les traces et empreintes génétiques dans le cadre d’un fichier national. Une première au Moyen-Orient et dans le monde entier. Une commission interministérielle a été formée dans ce but, regroupant des représentants du ministère de l’Intérieur ainsi que le Dr Zalloua, représentant le ministère de la Santé.

Comme rien ne vient de rien, il s’acharne au travail pour comprendre et connaître les origines des Libanais. Il raconte que « les études montrent que l’homo sapiens, notre ancêtre, vivait en Afrique il y a 130 000 ans de cela. Puis entre 47 et 50 000 ans, nos ancêtres se sont déplacés de l’Afrique pour s’installer au Moyen-Orient. Les changements climatiques sévères les ont poussés de nouveau à se déplacer en Afrique », dit-il. Le croissant fertile fut leur refuge en raison d’un « maximum glacial ». Ceux qui sont restés au Moyen-Orient sont devenus le peuple libanais. Et ce n’est pas tout. « Il y a eu des mouvements migratoires de la péninsule arabique, de l’Afrique du Nord, de l’Est comme du Nord. D’où l’étiquette que porte le Liban en toute fierté : melting-pot », souligne-t-il.

Donc, ce mouvement de va-et-vient de l’Afrique et vers l’Afrique a traversé le Liban et avec lui des dizaines de civilisations ont laissé leurs traces, outre les peuples demeurés sur place. Comment a-t-on pu déceler les traces des Phéniciens ? « Ils ont procédé à faire une expansion maritime et colonisé des endroits précis tout le long de la Méditerranée », répond le Dr Zalloua. « Raison pour laquelle on a pu les suivre d’une manière précise et découvrir leurs traces génétiques, là où ils étaient présents », précise-t-il. C’est ainsi qu’un lien très étroit entre les colonies et la terre mère, qui est le Liban, a été établi.

A la question de savoir si ses origines étaient phéniciennes, le généticien rétorque qu’il est plutôt d’origine perse. Il vit actuellement un grand amour, son vrai bonheur : sa famille. Son enfance était « riche et heureuse » au sein d’une famille très unie. Sa sœur Paulette, l’aînée, professeur au Collège des frères à Zghorta, est « l’adorable de la famille », selon lui. « Je lui dois ma vie et mes réalisations, grâce à son affection et soutien. C’est elle qui est restée avec la famille, je lui dois tout », répète-t-il en toute confiance. Paul, son frère ingénieur, vivait aux Etats-Unis. Il est actuellement installé au Koweït avec sa femme. Et lui, Pierre, le cadet, est marié avec Aline Naufal, directrice de la Maison de l’artisan. « Elle me complète », assure-t-il. Présente et toujours aux petits soins de sa famille, c’est « la femme idéale » à ses yeux. C’est elle qui a réussi à le ramener au pays, mais aussi à lui donner deux filles « adorables » : Yasha, 6 ans, et Pia, 4 ans. « Quand je suis au Liban, c’est sacré : chaque soir, je leur consacre une heure de temps à la lecture d’une histoire, à chacune son histoire », avoue-t-il. Tout en confiant qu’il essaie de limiter autant qu’il peut ses voyages à l’étranger. Il profite du peu de temps libre dont il dispose pour s’adonner à la lecture des livres d’histoire ou à la peinture à l’huile ou encore à son meilleur loisir savoureux : la cuisine. C’est un « cordon-bleu », affirme son entourage. Quand il peut, il troque sa belle blouse blanche contre un simple tablier de cuisine, donnant libre cours à son imagination et à son sens gustatif. Son plat préféré ? Les pâtes et pas n’importe lesquelles. Elles doivent être le fruit de son travail et de son imagination. Eh bien oui, elles doivent porter sa propre empreinte.

Le Liban de ses rêves ? « Rayez l’individualisme du Libanais, vous aurez un pays fort, un pays au vrai sens du terme », affirme-t-il. Et ses rêves vont également plus loin, à ses travaux de recherche, s’étendant à un centre spécialisé en génétique où, de retour au bercail, tous les jeunes libanais pourront travailler. « Un centre d’envergure, tient-il à préciser, où des centaines de Libanais, toutes confessions confondues et vivant à l’étranger pourront revenir travailler en toute fierté. Plus encore, il rêve de voir régner sous tous les qualificatifs possibles, l’esprit communautaire, collectif, collégial où la coopération serait reine », dit-il avec le sourire éternel qui le caractérise.

Mireille Bouabjian

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Jalons

9 février 1965 : Naissance à Zghorta (Nord-Liban).

1987 : Licence en biologie de l’Université Américaine de Beyrouth (AUB).

1988-1990 : Maîtrise en génétique de la San José University (Californie).

1990-1996 : Doctorat en génétique de l’UC Davis (Californie).

Depuis 1997 : Etudes sur la génétique humaine et des populations.

Depuis 2001 : Chercheur officiel au National Geographic.

Depuis 2007 : Chef du projet de recherche « Functional genomic diagnostic tools for coronary artery disease ».

 

 

 




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