Un
projet de loi proposé par le gouvernement et prévoyant de
consacrer aux femmes 56 sièges au Parlement fait l’objet
d’un débat socio-juridique. La secrétaire générale du
Conseil national de la femme,
Farkhonda Hassan, apporte son analyse.
«Le
conseil a émis des réserves
sur le nombre des sièges »
Al-Ahram
Hebdo : Que pensez-vous de la nouvelle législation proposée
par le Parti National Démocrate (PND, au pouvoir) visant à
consacrer 56 sièges parlementaires à des femmes ?
Farkhonda Hassan :
Cette
démarche de la part du PND s’inscrit dans une volonté
d’appliquer l’article 62 de la Constitution. Pour mettre en
vigueur cet article, le gouvernement a proposé l’amendement
de la loi 38 de l’année 1972 concernant le Parlement afin de
pouvoir consacrer un quota aux femmes. Le Conseil national
de la femme a étudié les amendements proposés par le
gouvernement, puisqu’il est de ses compétences de donner des
avis juridiques en ce qui concerne les lois et les décisions
touchant aux femmes. Les amendements ont été approuvés de
principe de la part du Conseil qui a tout de même émis des
réserves, notamment en ce qui concerne le nombre de sièges
proposé par le gouvernement et qui reste inférieur à nos
ambitions. De façon générale, le Conseil national de la
femme considère cette initiative comme un premier pas qui
devra être suivi par d’autres pour permettre une
représentation féminine plus adéquate au Parlement.
— Est-il
probable que ce projet de loi soit rejeté pour cause
d’inconstitutionnalité partant du principe qu’il implique
une discrimination ?
— En
réalité, les experts du droit constitutionnel ne sont pas
unanimes sur la question. Certains estiment que cette
proposition implique une discrimination au profit des
femmes, ce qu’ils considèrent contraire à la Constitution,
d’autres juristes estiment que cette discrimination positive
n’est nullement contraire à la Constitution. Ces derniers se
réfèrent à d’autres textes de la Constitution pour mettre en
valeur la compétence de l’Etat de prendre les mesures
nécessaires afin d’assurer une représentativité politique
équitable. Cette interprétation met également l’accent sur
un principe plus général relatif à la responsabilité de
l’Etat d’aider les femmes à coordonner entre leur travail et
leurs responsabilités.
L’avis
le plus dominant tend à considérer que cette discrimination
positive est conforme à la Constitution, voire qu’elle en
est inspirée.
— Quelle
est votre conception des propositions et des législations
qui doivent être adoptées pour renforcer la participation
politique de la femme ?
— Depuis
3 ans, le Conseil national de la femme a fondé un centre de
formation politique pour aider les femmes désireuses de
s’engager dans les batailles électorales et les former par
l’intermédiaire d’un certain nombre de programmes offerts au
Caire et dans plusieurs autres gouvernorats. Pendant ces
trois ans, le centre a formé plus de 900 femmes qui se sont
lancées dans la vie politique, syndicale et parlementaire.
—
Dernièrement, des femmes ont occupé les postes de maire, de
juge et de maazoun, etc. Que pensez-vous de ce progrès ?
— Les
femmes égyptiennes ont réussi à prouver leur compétence et
leur capacité à travailler dans tous les domaines.
Dernièrement, une femme a réussi à prouver à sa société
rurale qu’elle est capable d’exercer les fonctions de maire,
et finalement elle a été nommée à ce poste politique
critique. Cela signifie qu’elle est capable de s’engager
dans tous les domaines. Pour être nommées juges, plusieurs
femmes se sont engagées dans une longue bataille avant
d’obtenir ce droit. Maintenant, la voie est ouverte devant
d’autres femmes des nouvelles générations pour occuper ce
poste, surtout que les femmes juges ont prouvé une grande
compétence partout où elles ont travaillé. Finalement, la
femme maazoun (notaire scellant les mariages et les
divorces) s’est engagée toute seule dans ce combat, par
conviction de son droit à l’égalité avec les hommes dans
tous les domaines. Il est important de signaler que la
première maazoun a été nommée dans un village, ce qui prouve
(comme dans le cas de la femme maire) qu’un grand changement
s’est produit dans la société en faveur de la femme. Et il
faut aussi reconnaître que le Conseil national de la femme a
déployé d’énormes efforts pour enraciner le principe de
l’égalité entre les hommes et les femmes.
— Malgré
toutes ces avancées, une grande proportion des Egyptiens
reste convaincue que les femmes sont incapables de s’engager
dans l’action politique et publique. Comment est-il possible
de changer cette vision ?
— Il est
très important d’analyser les raisons et les facteurs qui
favorisent une telle opinion. Je pense que les médias y sont
pour beaucoup. Prenons comme exemple le Parlement, puisqu’il
s’agit là d’un débat le concernant. En effet, malgré la
présence de plusieurs femmes députées, ce sont les hommes
qui se trouvent toujours sous les projecteurs, leurs débats
et discours sont largement couverts. Il n’en est pas de même
pour les femmes dont le rôle et les activités ne sont en
rien moindres que ceux de leurs collègues hommes.
—
Croyez-vous que cette discrimination positive qui offrirait
aux femmes des sièges au Parlement devra être appliquée pour
une période définie juste pour donner aux citoyens
l’occasion de s’habituer à une représentation élargie des
femmes ou bien doit-elle être appliquée pour toujours ?
— Une
autre fois, j’affirme que la Constitution égyptienne a
accordé à la femme le droit d’avoir une représentation
réelle au sein du Parlement. De là est venue la proposition
revendiquée par le parti au pouvoir et soumise au
gouvernement pour consacrer un certain nombre de sièges aux
femmes. A mon avis, c’est un droit permanent et qui ne doit
pas être limité à une période délimitée. Les citoyens sont
déjà habitués à l’idée de la représentativité des femmes.
D’ailleurs, nombreuses sont les femmes qui ont réussi aux
élections parlementaires et qui ont prouvé à leurs
concitoyens leur capacité à les représenter et à exprimer
leurs ambitions et leurs besoins au sein du Parlement.
Propos recueillis par Magda Barsoum