Israël.
La campagne électorale pour les élections générales du 10
février s’est déroulée en même temps que l’offensive à Gaza,
le thème est donc central dans le discours de chacun des
candidats.
Et peu
l’abordent de manière pacifique.
Le
Likoud mène la danse
Sans
grande surprise, le thème qui préside aux élections
législatives israéliennes est la sécurité. La campagne
électorale a été dominée par la guerre à Gaza. Et ce n’est
pas par hasard que cette offensive a été lancée à quelques
semaines des élections. Les dirigeants politiques ont fait
de l’attitude à adopter face au Hamas la priorité numéro un.
Un ordre des choses qui n’est pas pour avantager le parti
sortant Kadima, dirigé par Tzipi Livni, et ses alliés
travaillistes. Sur un ton belliqueux, son opposant de droite,
Benyamin Netanyahu, reproche à Kadima de ne pas « avoir fini
le travail » à Gaza, et appelle à y « frapper avec un poing
de fer ».
Les
sondages donnent, pour le scrutin du 10 février, une avance
déterminante au Likoud de Netanyahu, avec une trentaine de
sièges au sein du Parlement. Kadima tomberait de 29 à 24
députés. L’écart serait d’autant plus grand entre droite et
gauche que le parti d’extrême droite Israël Beitenou, créé
par des immigrants d’ex-URSS, remporterait pas moins d’une
vingtaine de sièges. Certains analystes considèrent que le
bloc de droite, comprenant les positions les plus
intransigeantes sur le dossier palestinien, monterait à 70
sièges en tout.
Le
discours sur Gaza est alimenté par un mécontentement de
l’opinion publique. Le quotidien national Yediot Aharonot
titrait récemment « C’est à ça que ressemble le
cessez-le-feu ? ». Accusé d’avoir arrêté l’offensive trop
tôt, le gouvernement actuel surenchérit pour rassurer son
électorat sur sa capacité à faire la guerre … Ce qui le
conduit à tenir des positions plus extrémistes que le Likoud.
« Nous avons dit qu’en cas de tirs de roquettes vers le sud
du pays, il y aurait une réplique israélienne sévère et
disproportionnée », a déclaré dimanche le premier ministre,
Ehud Olmert.
Le Hamas
cristallise donc toutes les attentes électorales. Taher Al-Nounou,
porte-parole du mouvement islamiste, n’est pas dupe. « Les
déclarations d’Olmert constituent une manipulation qui
s’inscrit dans la campagne électorale », déclare-t-il.
Ironie du sort : les tirs de roquettes qui ont amené Israël
à menacer Gaza à nouveau ont été revendiqués par les
Brigades des Martyrs d’Al-Aqsa, un groupe du Fatah, le rival
du Hamas. Peu importe aux candidats de savoir qui en veut à
Israël : il suffit juste d’un ennemi sur lequel les
électeurs soient habitués à déverser leur fiel.
Les
Palestiniens ne se font d’illusions
Tzipi
Livni, qui peine à se débarrasser de son image de femme de
peu d’envergure, n’est pas en reste pour menacer Gaza.
Exigeant une riposte « dure », elle a déclaré : « Israël va
réagir, c’est ma position. Je l’ai exprimée clairement
avant, pendant, et après l’opération et c’est de cette
manière que je réagirai en tant que premier ministre ». A
l’heure où Ehud Barak, ministre travailliste de la Défense,
parle de « raison et de responsabilité », et alors que
Benjamin Netanyahu minore l’image d’un Likoud sectaire en
préparant une ouverture vers la gauche, Tzipi Livni apparaît
dangereusement soumise aux pressions médiatiques.
Les travaillistes sont, quant à eux, en perte de vitesse.
Ehud Barak s’est refusé à une surenchère de l’agressivité
envers Gaza. « Nous sommes en période électorale et nous
voyons une série de déclarations de gens, dont certains
n’ont jamais tenu une arme et n’ont jamais pris de réelle
décision, et qui maintenant font de la surenchère pour faire
les gros titres, sans comprendre ni les conditions ni la
manière dont il faut agir », a-t-il expliqué. Une position
qui vaudra au Parti travailliste une quinzaine de sièges
parlementaires seulement.
Il
fait donc peu de doute que le Likoud arrivera en tête des
prochaines élections, avec une majorité confortable qui
permettra à Benyamin Netanyahu de briguer le poste de
premier ministre. Il reste cependant des inconnues à
l’équation. Dans quelle mesure le Likoud va-t-il maintenir
sa position « dure » face au Hamas ? La promesse d’un
gouvernement d’union nationale peut rassurer. Netanyahu,
déjà premier ministre de 1996 à 1999, a annoncé qu’il ne
commettrait pas à nouveau l’erreur d’un gouvernement étroit.
Il ne souhaite pas non plus être l’otage d’une extrême
droite puissante, et cherchera donc ses alliances à gauche.
N’ayant pas non plus de preuves à faire sur le volet
sécuritaire, contrairement à Tzipi Livni, on peut imaginer
un traitement rationnel et pacifique du dossier palestinien.
Les
dirigeants palestiniens, de leur côté, plongés dans leur
lutte interne, assistent en spectateurs passifs à cette
campagne. Quant au peuple palestinien, il ne se fait pas
beaucoup d’illusions. La droite, la gauche, il a déjà traité
avec les différentes tendances. Et pour la majorité d’entre
eux, c’est tout simplement bonnet blanc, blanc bonnet.
Vincent Fortin