Al-Ahram Hebdo, Egypte | Combat difficile contre abus coutumiers
  Président Morsi Attalla
 
Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 12 au 18 mars 2008, numéro 705

 

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Egypte

Loi sur l’Enfance. Le président Moubarak a approuvé la semaine dernière la version finale de l’amendement de cette législation, qui doit traiter une situation compliquée.

Combat difficile contre abus coutumiers

Une nouvelle loi sur l’enfance est en passe d’être adoptée à l’Assemblée du peuple, après avoir eu le feu vert de la présidence. Cette nouvelle loi interdit la garde à vue des enfants de la rue, fixe à 12 ans l’âge de la responsabilité et fixe l’âge légal du mariage pour les filles à 18 ans et celui du travail à 15 ans. Autre nouveauté, la nouvelle loi incrimine l’excision, désormais passible de prison.

La loi en vigueur, qui avait été promulguée en 1996, suite à la signature par l’Egypte de la Convention internationale sur les droits de l’enfant, adoptée en 1990, est considérée par certains spécialistes comme dépassée et ne convenant plus aux réalités actuelles. « La nouvelle stratégie pour la protection et de la réhabilitation des enfants de la rue, lancée en mars 2003, a montré la nécessité d’une réforme de la loi en vigueur », affirme la présidente du Conseil, Mouchira Khattab. Durant quatre années, le Conseil s’était donc attelé à la tâche d’élaborer une nouvelle législation, avec notamment la participation du ministère de la Justice et plusieurs ONG concernées.

L’interdiction de la mise en garde à vue des enfants de la rue est l’un des principaux points qui feraient la nouveauté de la nouvele loi. Les enfants délinquants seront donc confiés à des maisons de réinsertion. « Le but de cet amendement est la protection, la rééducation et la réinsertion sociale des enfants de la rue. Ceux-ci ne doivent pas être considérés comme des criminels, mais des victimes qui ont été privées de leurs droits à l’éducation, à la santé et à l’assistance sociale », souligne Hani Hilal, directeur du Centre égyptien pour les droits de l’enfant.

Concernant l’amendement qui fait passer l’âge de la responsabilité pénale de 7 à 12 ans, conformément au droit international de l’enfance, Hilal considère que cette clause comblerait une des lacunes juridiques dans la loi en vigueur qui n’impose aucune pénalisation aux parents, alors que souvent ils sont les premiers responsables. « Quand un enfant vole pour manger, ce sont les parents qui seront punis pour négligence. Les peines varieraient de trois mois à un an de prison », explique-t-il.

Le dossier du travail des enfants a été également traité par le nouveau texte. Celui-ci fixe l’âge légal du travail à 15 ans au lieu de 14 dans la loi en vigueur, alors que pour l’apprentissage de divers métiers, l’âge passera de 12 à 13 ans.

Le projet de loi prévoit également un durcissement des peines infligées aux parents ou aux employeurs réfractaires. L’amende passera de 100 à 1 000 L.E. et sera doublée en cas de récidive. Les clauses sur le travail des jeunes filles comme femmes de ménage, jusqu’à présent non soumis à une loi, fixent à 15 ans l’âge légal et la durée de travail quotidien à 6 heures, tout en immunisant les filles en question contre toutes atteintes physiques, psychologiques ou morales de la part des membres de la famille. Autre amendement, le projet de loi fixe l’âge minimal du mariage de la fille à 18 ans au lieu de 16 actuellement, et oblige les futurs conjoints à faire les examens médicaux nécessaires.

La clause qui risquerait d’alimenter la polémique est celle relative à l’incrimination de l’excision, une pratique très répandue dans le pays et qui se fonde souvent sur des croyances religieuses. En vertu de la nouvelle loi, l’excision sera considérée comme une atteinte à l’intégrité physique, passible d’une peine sérieuse. Un médecin qui pratique l’excision encourt désormais la fermeture de son cabinet ainsi qu’une peine de prison qui varie entre 3 et 5 ans. Quant aux parents, ils encourent une peine de prison qui varie entre 1 et 3 ans. En cas de décès, l’amendement prévoit de lourdes peines pouvant atteindre jusqu’à 15 ans de prison.

L’adoption imminente de cette nouvelle loi est considérée par certains comme un pas en avant. Reste à savoir si ce pas est suffisant. « Nous avons besoin d’une campagne médiatique pour sensibiliser les citoyens aux droits des enfants, mais aussi pour les inviter à participer et à aider les organismes concernés. Par exemple, un automobiliste qui trouve un enfant travailler dans un garage est supposé alerter les autorités », explique Essam Ali, responsable d’une ONG de défense des droits de l’enfant. « Il faut aussi parler aux enfants et leur apprendre de contacter eux-mêmes les responsables pour se plaindre contre leurs abuseurs. Hélas, ici on n’apprend pas à nos enfants de se défendre », ajoute-t-il. Le conseil a consacré une ligne téléphonique SOS (le 16 000) pour recevoir les plaintes ou signaler les cas des abus ou de maltraitance d’enfants. « Nous avons besoin de motiver les gens et les enfants, de les responsabiliser pour rendre la loi plus efficace », insiste Ali.

D’autres spécialistes pensent qu’une loi, quelle qu’elle soit, restera incapable de faire changer des pratiques bien enracinées dans la société, et aggravées par l’analphabétisme et la pauvreté. Pour Azza Korayem, sociologue, l’amendement, tout comme la loi en vigueur, prend en compte les conséquences et non pas les causes. Selon elle, le travail des enfants, les enfants de la rue et l’excision remontent à des problèmes socioéconomiques. « Les peines imposées par l’amendement ne pourront pas changer grand-chose tant qu’on n’offrira pas d’alternative aux parents qui envoient leurs enfants au travail pour pouvoir manger », souligne-t-elle.

Mais il n’y a pas que les facteurs économiques, parfois le poids de la société se montre plus fort que la loi. C’est le dilemme que risque de déclencher l’amendement relatif à l’incrimination de l’excision. Le débat bat déjà son plein. « Il est vrai que l’islam ne rend pas obligatoire l’excision, mais il ne l’a pas interdit non plus. La preuve en est que les femmes du prophète étaient excisées. Comment donc incriminer une pratique que le prophète a autorisée ? », s’indigne Akram Al-Chaer, député islamiste. Jusqu’ici, les efforts déployés pour limiter cette pratique ne réussissent souvent qu’à la rendre clandestine, augmentant ainsi les risques pour les filles qui subissent cette opération loin de la surveillance médicale. Bref, pour certains, il ne s’agit pas uniquement de légiférer, mais surtout de changer toute une culture, toute une mentalité.

Mirande Youssef

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