Soudan .
Les grandes puissances se sont retrouvées lundi à Paris,
pour la première fois, afin d’unir leurs efforts pour tenter
de mettre fin à la tragédie du Darfour. Grands absents de la
réunion : le gouvernement soudanais et l’Union africaine.
Le Darfour au centre des convoitises
Si
la tragédie humanitaire qui sévit au Darfour, la pire
actuellement avec, selon l’Onu, quelque 200 000 morts et 2,1
millions de déplacés depuis 2003, est à l’origine de la
spectaculaire mobilisation internationale, il est sans doute
bien d’autres enjeux derrière cet intérêt grandissant de la
communauté internationale à ce sujet. Un intérêt qui s’est
cristallisé cette semaine avec la Conférence internationale
de Paris sur le Darfour, qui a réuni les grandes puissances,
dont la Chine et les Etats-Unis, ainsi que des organisations
internationales. Celles-ci ont promis lundi de redoubler
d’efforts pour essayer de mettre fin à la tragédie du
Darfour lors de la première réunion internationale de ce
type en quatre ans de guerre civile. Paris et Washington ont
aussi mis en garde Khartoum contre toute velléité de bloquer
le déploiement prévu dans les prochains mois d’une force de
paix de plus de 20 000 hommes dans cette province de l’ouest
du Soudan. Cette réunion, sans précédent depuis le début du
conflit, en février 2003, si elle n’a pas débouché sur des
résultats concrets, a été saluée par les participants comme
une preuve de l’engagement de la communauté internationale à
agir de concert.
Mais l’Union Africaine (UA), principale organisation
concernée par la crise, était absente de la conférence de
Paris, manifestant apparemment sa mauvaise humeur de n’avoir
pas été consultée. C’est pour cette raison que le ministre
français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner a
annoncéqu’il se rendra
prochainement à Addis-Abeba pour rencontrer le président de
la commission de l’UA, Alpha
Oumar Konaré, et l’inviter à participer, cette fois, à une
deuxième rencontre qui devrait se tenir sur le Darfour en
septembre à New York, en marge de l’Assemblée générale de
l’Onu.
Quant au régime soudanais, il avait décliné l’invitation en
jugeant « peu propice » la date de la réunion. Khartoum a
notamment estimé avoir rempli ses engagements en acceptant,
le 12 juin, sous la pression de la communauté
internationale, le déploiement d’une force hybride Onu/UA de
plus de 20 000 hommes au Darfour.
Conflit
d’intérêts
C’est en février 2003 que le conflit du Darfour éclate. Tout
a commencé par la prise de contrôle par des rebelles du
chef-lieu de Gulu, au Darfour
Nord. Il s’ensuivit la création de deux mouvements rebelles,
le Mouvement pour la justice et l’égalité (JEM) et le
Mouvement/Armée de Libération du Soudan (MLS/ALS) qui ont
lancé la véritable rébellion contre le pouvoir central,
réclamant une meilleure répartition des richesses et du
pouvoir. Il s’ensuivit aussi des combats opposant ces
rebelles aux troupes gouvernementales appuyées par des
milices arabes, les Janjawids,
accusées d’être responsables d’exactions (incendies de
villages, viols ...) contre les cultivateurs sédentaires
africains.
Contrairement à ce que certains pensent, le conflit n’a pas
de dimension religieuse ou ethnique. L’ensemble de la
population (Fors, Massalites,
Zaghawas, etc.) est musulmane et
arabophone, constituée de nombreuses tribus arabes et
africaines. Cependant, une grille de lecture de la crise,
présentée comme un conflit entre Arabes et Africains, voire
islamistes et laïcs, a favorisé la campagne contre les
massacres au Darfour. Beaucoup de groupes arabes ont
pourtant rejoint la rébellion et beaucoup de groupes
africains se sont ralliés au gouvernement, il existe aussi
des islamistes dans les deux camps.
Le tout est donc un conflit d’intérêts. Ainsi, depuis 2003,
les mouvements rebelles ont connu de nombreuses scissions
qui ont produit au fil des années une dizaine de groupes
différents. De quoi compliquer la situation et rendre
caduques les multiples initiatives de paix qui ont commencé
dès septembre 2003, soit six mois après le début de la
rébellion, par la signature au Tchad voisin, et impliqué
malgré lui dans le conflit, d’un accord de cessez-le-feu
entre le gouvernement soudanais et l’un des groupes
rebelles, le Mouvement de libération du Soudan. Un accord
qui n’a jamais été respecté et a été suivi par d’autres
tentatives de paix, elles aussi vouées à l’échec, la
dernière en date étant l’accord signé en mai 2006 dans la
capitale nigériane par la seule faction majoritaire du MLS
dirigée par Mini Minawi et qui
portait sur un partage du pouvoir et des richesses de même
qu’il fixait les étapes d’un retour à la normale avec
notamment des dispositions très précises sur le désarmement.
Entre-temps, les violences et la crise humanitaire
continuaient. Et l’UA, qui a
envoyé dès 2004 une mission de maintien de la paix (Amis) de
7 000 hommes pour sécuriser la région, n’a pu remplir sa
mission, faute d’équipements et de financement.
Car il ne s’agit pas uniquement de sécuriser la région, mais
avant tout de trouver une solution à l’épineuse question de
la répartition du pouvoir et des richesses. Richesses, c’est
justement là la clé de la question. Car le Darfour, une
région dont le sous-sol recèle du pétrole, de l’uranium et
du cuivre, est une région convoitée. On est ainsi passé d’un
conflit d’intérêts interne à un conflit d’intérêts incluant
de nombreuses parties étrangères. D’où l’intérêt de la
communauté internationale envers ce qui s’y passe et d’où
les fortes pressions qui s’exercent sur le gouvernement
soudanais l
Abir
Taleb