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Ramsès II.
La statue colossale qui dominait la
place du même nom a été enfin déplacée vers le lieu qui sera
édifié, le nouveau grand Musée des antiquités, près du plateau
des Pyramides.
Heureux qui comme Ramsès ...
Bien
qu’il fût encore 23h30, la place Ramsès et ses alentours étaient
déjà pleins de gens, la circulation était bloquée et une foule
dense était venue assister à l’un des événements les plus
importants qu’a vécu Le Caire ces dernières années, à savoir le
déplacement de la statue colossale de Ramsès II. Cause : dans
l’une des places les plus polluées du Caire, elle risquait de
subir de graves dommages. Hommes, femmes et enfants étaient là,
le long du pont du 6 Octobre qui traverse la place, sur les
balcons des immeubles et des hôtels, les gens étaient juchés sur
les balcons et fenêtres pour voir ce grand roi quitter l’endroit
où il est dressé depuis 45 ans. Une heure du matin, c’était
l’heure du départ. Les gens se rassemblaient de plus belle et
s’approchaient de la statue, essayant de lui lancer un regard de
près, mais la sécurité était présente et devenait de plus en
plus sévère avec ces passionnés. Et les cordons faits de
milliers de policiers étaient transformés en passoire sous la
pression de la foule.
Pour
des raisons techniques, les premiers pas du roi devaient être à
l’envers, donnant ainsi sa face à la gare comme si Ramsès
voulait faire ses adieux à l’endroit où il a trôné. Cris de
joie, sifflements et applaudissements ont retenti lorsque la
statue a commencé son trajet long de 35 km. Le départ de Ramsès
de son emplacement était tellement excitant qu’un grand nombre
de personnes avaient les larmes aux yeux. « J’ai la chair de
poule », a déclaré Zahi Hawas, le pourtant imperturbable
secrétaire général du Conseil Suprême des Antiquités (CSA). En
fait, Hawas n’était pas le seul à avoir ce sentiment. « Ramsès
me fait de la peine. Là sous les pieds de ce grand roi, devant
la fontaine, j’attendais chaque matin le bus de mon école.
J’étais jeune et j’aimais, ma sœur et moi, regarder les amoureux
qui trouvaient du plaisir à rester devant la fontaine », dit
Chérine touchée par l’événement. « Ma fille a été opérée hier,
mais un événement pareil, je ne pouvais pas le rater »,
reprend-elle. Pas à pas, le cortège du grand roi a pris son
chemin, des soldats encerclaient la statue pour empêcher la
foule de trop s’approcher du colosse. Tout avançait lentement et
les passionnés de l’Egypte ancienne pouvaient accompagner à pied
le cortège qui circulait à une vitesse de 5 et 7 km/h. Haut de
11 mètres, le colosse en granit rouge de 100 tonnes a été
transporté en position verticale, enveloppé dans une structure
protectrice de fer remplie de mousse pour absorber les chocs, et
dressé sur un immense convoi motorisé long de 30 mètres. Des
capteurs de mesures de chocs avaient été disposés à son pied.
Deux ou trois bus de l’entreprise d’Al-Moqaouloun Al-Arab, qui
réalise le projet, étaient à la disposition des journalistes et
des employés de l’entreprise pour continuer le chemin derrière
le colosse. Tout au long du trajet vers son nouvel emplacement,
la statue était suivie en permanence par les caméras de la
Télévision égyptienne, qui elle seule avait le droit de
diffusion en direct. « On a utilisé 16 voitures avec une moyenne
de 30 personnes sur chacune pour garantir la perfection de la
diffusion en direct », a déclaré Abdel-Latif Al-Manawi,
directeur du département des nouvelles à la télévision
égyptienne.
Arrivée à bon port
Pendant
10 heures, la statue a circulé dans les rues et sur les ponts du
Caire pour à la fin arriver, à 10h du matin, à son nouvel
emplacement devant le musée qui sera construit sur l’autoroute
Le Caire-Fayoum. Durant tout le trajet, la nuit, l’aube et le
matin, la foule n’a pas laissé le roi d’une minute. « Je
n’aurais jamais imaginé la quantité de personnes venues assister
à cet événement. Ramsès a réussi à éveiller la conscience du
patrimoine chez le peuple égyptien », a dit Zahi Hawas.
Le déplacement de Ramsès a en fait mis fin à
un long débat qui a duré près de dix ans entre spécialistes. «
Son déplacement était inévitable », assure Hawas qui considère
le déplacement comme l’une des plus grandes tâches qu’il a
faites pendant sa carrière. Enthousiaste par la réussite de cet
événement, il a décidé de déplacer la statue de la belle Merit
Amon, qui se trouve à Sohag, pour qu’elle soit également dressée
tout près de la statue de Ramsès II dans le nouveau musée. Merit
Amon n’est pas le seul projet que compte faire Hawas, il
envisage également de déplacer le musée de la barque solaire qui
se trouve sur le plateau des Pyramides. « Ce musée enlaidit le
site. La barque solaire sera déplacée elle aussi au nouveau
musée », a-t-il déclaré lors de la conférence de presse qui a
été tenue sur le site du musée dont la construction devrait
prendre fin en l’an 2010 .
Hala Fares |
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Le roi d’Egypte
Ce pharaon a régné de 1279 à 1213 av. J.-C.
C’est l’un des plus prestigieux connu pour ses conquêtes et pour
les monuments et statues colossaux qu’il fit ériger sur tout le
territoire égyptien. A voir, jeudi soir, cette foule acclamer le
passage de sa statue colossale vers son nouvel emplacement, on
avait l’impression que c’était le roi d’Egypte à qui l’on
rendait hommage. Qu’il s’agisse du peuple poussé au départ,
peut-être, par un sentiment de curiosité voulant assister à un
spectacle, que des intellectuels, tout de suite un vent de
sympathie et de soutien a circulé à l’égard de ce pharaon. Sur
la place Talaat Harb, au centre-ville, une demi-douzaine de
militants de gauche et du mouvement Kéfaya ont salué, roses
rouges à la main, le « roi Ramsès ». D’autres, comme l’artiste
Mohamad Haridi, n’ont pas manqué de relever que l’amour qu’il
ressent maintenant pour ce pharaon revient au fait « qu’il avait
vaincu les Hébreux ». Il s’agit évidemment d’une supposition
écartée par les égyptologues selon laquelle Ramsès II serait le
pharaon de l’exode. En fait, jusqu’à présent, cet épisode n’a pu
être situé historiquement. Une des rares mentions, sinon la
seule d’Israël dans une source égyptienne, est la stèle de la
victoire de Merenptah, successeur de Ramsès II, sur des
peuplades et envahisseurs étrangers, notamment libyens, qui se
trouve au Musée du Caire. Elle s’intitule stèle d’Israël. Mais
la référence à Israël concernerait une population et non un lieu
ou un pays et ne figure que sur une ligne. De toute façon, il
est certain que c’est en tant que symbole de fierté nationale
que Nasser a placé la statue de Ramsès II devant la gare du
Caire pour qu’elle soit la première chose qu’aperçoivent les
voyageurs arrivés à la capitale. Depuis le traité de paix signé
entre l’Egypte et Israël, les rumeurs ont couru sur un
déplacement de la statue, à la demande d’Israël. Mais en quelque
sorte la réaction des Egyptiens à l’égard de ce transfert a
témoigné d’un attachement insoupçonné à l’Histoire ancienne du
pays et une identification à celle-ci. A la place Tahrir,
lorsque la statue est passée, les gens ont scandé « Misr, Misr »
(Egypte, Egypte).
Ahmad Lotfi |
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