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Troubles Confessionnels . Les affrontements sanglants qui ont eu lieu entre la police et des milliers de manifestants musulmans protestant contre un DVD copte ont fait 3 morts et 80 blessés. Ils ont révélé lapersistance d’une longue crise encore non résolue.
Le jeu de la politique et de la religion

Moharram bey. Le quartier semble avoir retrouvé son calme quelques jours après les affrontements sanglants qui y ont opposé des milliers de manifestants aux forces de l’ordre. Pourtant, le dispositif de sécurité n’a pas libéré la place. Des véhicules blindés sont stationnés devant l’église Saint-Georges, placée au cœur d’une vaste polémique entre chrétiens et musulmans. Les traces des incidents sont encore visibles. Des éclats de verre et des taches de sang sont éparpillés ici et là sur la chaussée juste devant l’église. Il y a aussi des véhicules défoncés et des barricades de police le long des rues. L’amertume apparaît sur les visages las. « C’était épouvantable. La police a tiré des balles en caoutchouc pour dissiper les manifestants. Les gens couraient dans toutes les directions et on entendait les sirènes des ambulances », raconte Am Mohamad, un habitant du quartier. C’était le vendredi 21 octobre. Plusieurs milliers de manifestants musulmans se sont rassemblés ce jour-là dans le quartier pour protester contre la diffusion d’un DVD comportant une pièce de théâtre qu’ils jugent anti-islamique. Interceptés par les forces de l’ordre, les manifestants se mettent à lancer des pierres. Ils brûlent plusieurs véhicules et saccagent des magasins et des pharmacies. Pour les disperser, la police a eu recours aux bombes lacrymogènes et aux balles en caoutchouc. Bilan : 3 morts et plus de 80 blessés.

Cette pièce de théâtre est attribuée à l’église Saint-Georges. Intitulée J’étais aveugle mais maintenant je vois, elle relate l’histoire d’un jeune chrétien qui se convertit à l’islam et ses désillusions. Après avoir découvert « la violence », « les contradictions » et les « mensonges des musulmans », il décide de regagner sa foi. Les manifestants exigeaient que les responsables de cette pièce soient punis et réclamaient des excuses de l’Eglise copte orthodoxe.


Des tentatives d’apaisement

Des incidents qui ont suscité une avalanche de réactions dans les milieux religieux et politiques. Soucieux d’apaiser les craintes d’une sédition confessionnelle, le président Moubarak a affirmé, par le biais de son porte-parole Soliman Awwad, que « les musulmans et les coptes font partie d’un seul tissu social » et que « nous devons faire valoir l’esprit égyptien de tolérance ».

L’Eglise copte orthodoxe a pour autant refusé de présenter des excuses, affirmant qu’il n’y avait aucune volonté de provoquer les musulmans. « La pièce de théâtre a été présentée une seule fois il y a deux ans et nous ne savons pas qui a distribué le DVD ni comment il a été filmé », affirme une source du patriarcat copte d’Alexandrie ayant requis l’anonymat. Et d’ajouter : « La pièce en question ne parle que de l’extrémisme. Pas un seul musulman ne l’a vue lors de sa diffusion et elle ne porte aucune atteinte à l’islam ». Les responsables de l’Eglise dénoncent un complot visant à provoquer une sédition confessionnelle. « Il est clair que quelqu’un se cache derrière cette affaire », affirme la source en dépit des frictions périodiques entre coptes et musulmans. La dernière affaire en date, celle de la conversion à l’islam d’une citoyenne copte, Wafaa Constantine, avait également provoqué des remous, mais cette fois dans les milieux religieux coptes.

Les manifestations de vendredi, qui interviennent à quelques jours des prochaines élections législatives prévues le 9 novembre, laissent prétendre qu’il s’agirait éventuellement d’une affaire politique. « Il est clair au-delà de toutes les considérations d’ordre religieux que l’ombre des prochaines législatives plane sur cette crise », affirme Nabil Abdel-Fattah, du Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram. Sinon comment expliquer, selon lui, que ces protestations n’aient pas eu lieu dès la sortie de la pièce il y a deux ans ?


Une question politique

Il étaye son hypothèse par le fait que de nombreux jeunes manifestants venaient d’autres gouvernorats qu’Alexandrie, comme Le Caire, Tanta et Kafr Al-Cheikh. C’est donc, selon lui, une manifestation organisée et « le moment est critique, les élections sont très proches et certains islamistes essaient d’en profiter ». Moharram bey est l’une des rares circonscriptions où un copte présentait sa candidature aux élections. Candidat du Parti National Démocrate (PND, au pouvoir), Maher Khella a d’ailleurs décidé de renoncer à sa candidature. « J’ai présenté une demande à mon parti pour que ma candidature aux élections soit retirée afin de faire baisser la tension », affirme-t-il. Selon lui, la pièce de théâtre incriminée par les émeutiers ne contient aucun message anti-musulman. Ossama Gado, son rival du mouvement des Frères musulmans, appelle, lui, l’Eglise copte orthodoxe à prendre publiquement une position sur le DVD par lequel le scandale est arrivé. La confrérie nie catégoriquement avoir fait circuler le DVD à des fins électorales. Et pour ce, Gado demande non seulement « des excuses de l’Eglise, mais que les autorités coptes se prononcent sur cette pièce et déclarent leur position. C’est un DVD qui a été regardé par un grand nombre de gens et qui porte nettement atteinte à l’image de l’islam. La pièce compare l’islam et le christianisme, Jésus et le prophète Mohamad, présentant le premier comme un homme qui a sacrifié sa vie et le second comme quelqu’un de plus préoccupé par les plaisirs terrestres ». Complot pour provoquer une sédition confessionnelle ou jeu électoral ? Même si cette dernière hypothèse paraît envisageable, d’autres pistes sont montrées du doigt. « C’est peut-être ni l’un ni l’autre », affirme l’écrivain islamiste Fahmi Howeidi. Selon lui, la vraie question est qu’il y a un véritable problème entre coptes et musulmans, et personne ne pense à le résoudre et à chaque fois qu’une crise est déclenchée, on s’efforce de l’apaiser sans chercher au fond du problème. Howeidi, qui a vu cette pièce, affirme : « Il y a deux nouveautés dans cette crise. D’abord, c’est la première fois qu’on attaque directement les croyances des musulmans et leur Livre saint. Mais le plus important est que de telles pratiques sont parrainées par le pape qui est à la tête de l’Eglise ». Il explique que la faiblesse de l’Etat, soumis à des pressions externes importantes dans ce qu’on appelle « la question copte », a créé cette situation. Milad Hanna, écrivain copte, analyse le problème sous un autre aspect. « La structure culturelle du peuple égyptien a changé. Autrefois, les causes nationales passaient avant la religion. Les choses ont maintenant changé et les jeunes se rassemblent autour de la religion. Il n’y a plus une société, mais deux religions », assure Hanna. Mais à voir la lenteur des institutions religieuses officielles (Al-Azhar et l’Eglise copte), on ne peut que penser autrement. Une réaction tardive qui n’a fait qu’aggraver les incidents. On se demande finalement s’ils ont vu le DVD .

 

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